(Re)découverte de deux lampes majeures du design, "Bulb" et "Lucellino", toutes deux créées par le designer allemand Ingo Maurer. Deux luminaires d’une poésie folle qui ont très vite mérité leur place au prestigieux Moma de New-York.
« Je n’arrête jamais de faire de la lumière, mais ce n’est jamais redondant » avait pour coutume de dire Ingo Maurer. En permanente rupture avec le design conventionnel, toujours à l’affût d’une conquête technique et en quête d’une absolue poésie, le designer allemand opérait tel un magicien pour créer des lampes qui rivalisaient avec l’œuvre d’art. « Bulb » et « Lucellino » sont toutes les deux nées de cette alchimie exceptionnelle entre technique et poésie. Retour sur leur création.
La lampe « Bulb », une lampe culte des sixties
Au début du XX ème siècle, les lampes étaient considérées comme des objets utilitaires incontournables. Puis dans les années 20, l’art décoratif a imposé à ces objets utilitaires une apparence moins rudimentaire. Les lampes devenaient à l’époque support à des formes plus originales, toujours pensées dans le but de cacher l’aspect simpliste de l’ampoule et de son filament. La règle alors en terme de luminaire était dans l’esprit d’un « cachez cette ampoule que je ne saurais voir » : il était inconcevable de réaliser une lampe sans un abat-jour pour cacher l’inesthétique dénoncé de l’ampoule. Cette tradition a perduré jusqu’à l’aube des années 50… avant l’avènement du design des sixties et de ses expérimentations les plus folles.
Ingo Maurer va pulvériser cette convention de la manière la plus simple et la plus radicale. En 1966, alors qu’il est de passage dans une misérable pension de Venise et rêvasse dans sa chambre, allongé sur son lit, il observe le plafond où une ampoule nue se balance. Le « coup de foudre » opère. L’ampoule dépourvue de son traditionnel abat-jour deviendra sa matière première. Elle sera le centre de toutes ses expérimentations futures, de toutes ses créations « lumineuses » pour les cinquantes années à venir.
Pour le créateur, l’ampoule résume la « symbiose entre l’absolue beauté de l’art verrier, technique et poésie. » C’est tout l’esprit de ce premier luminaire best-seller qu’est sa lampe « Bulb ». Son concept est simple à l’œil : une ampoule dans une autre ampoule. Mais sa fabrication s’avère plus complexe qu’elle n’y paraît : le verre en cristal de l’ampoule est soufflé à la main dans les ateliers de Murano, quant au socle, qui reprend la forme des ampoules à culot à vis, il est en métal chromé poli.
Sa lampe rejoint alors la ribambelle de lampes légendaires – majoritairement italiennes – qui inondent les sixties. Elle deviendra un symbole de la pop culture et s’incrustera autant dans les intérieurs en Europe et aux États-Unis que dans bien des décors de films cultes de cette décennie. En 1969, elle rejoindra même la collection permanente du Musée d’Art Moderne de New York.
La lampe « Lucellino », une lampe d’une poésie lumineuse
A l’aube des années 90, Ingo Maurer récidive son hymne à l’ampoule avec « Lucellino », contraction des mots italiens « luce » (lumière) et « uccellino » (petit oiseau). De nouveau cette création présente une apparente simplicité qui va encore de pair avec la radicalité. L’ampoule s’y présente nue, ornée sur son culot en laiton de deux petites plumes d’oie perchées sur les deux fils électriques servant aussi de structure. Allumée, l’ampoule « Lucellino » donne l’impression d’un ange de lumière qui jaillit du mur ou du plafond.
Conçue pour être installée par groupe, « Lucellino » donne l’impression d’un halo de lumière qui submerge la pièce. L’alliance subtil des matériaux pour sublimer la simplicité de l’ampoule crée un étonnant volatil lumineux. L’idée était de faire ressentir la présence d’une nuée d’oiseaux divins. La lumière provient d’une source halogène spécifiquement fabriquée par la société Ingo Maurer qui donne une lumière apaisante, contrairement à une ampoule à filament traditionnelle. La lumière halogène permet surtout de varier l’intensité lumineuse, donnant ainsi plusieurs atmosphères à la pièce éclairée. Fort de son succès « Lucellino » sera décliné en lampe de chevet et en lampadaire. L’applique poétique connaîtra le même sort que la lampe « Bulb » : une entrée remarquée au Moma, aux côtés des luminaires les plus cultes du siècle dernier.
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