- Des chemins parfois trop différents
- Lorsque l’amitié n’est plus équilibrée
- De la difficulté de reconnaître qu’une amitié est finie
- Prendre ses distances, oui, mais avec bienveillance
« Il y a des amitiés foudroyantes qui fondent les âmes d’un seul éclair », disait Alphonse de Lamartine. Si le lien amical sonne parfois comme une évidence à la rédaction de ses premières lignes, son point final peut devenir complexe à écrire.
Comme la « démission silencieuse » qui existe dans le monde du travail, également connu sous le nom de « quiet quitting », il est aussi possible de se désengager d’une relation amicale sans y mettre officiellement un terme, en réalisant par exemple le strict minimum au sein de la relation. « C’est l’acte de partir sans partir », résume Vice..
Des chemins parfois trop différents
Contrairement à l’expression « quiet quitting », renoncer progressivement à une amitié ne date pas d’hier. « C’est une chose qui existe depuis toujours », confirme Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne. « En thérapie, on peut voir que certain.e.s ne parviennent pas à dire que les liens ne sont plus les mêmes qu’avant.«
Grégoire, lui, l’a pourtant remarqué et a appliqué la méthode du quiet quitting amical presque systématiquement. « Je déteste le conflit et je n’ai pas envie de me prendre la tête avec des personnes que j’ai appréciées et avec qui j’ai partagé des choses », explique-t-il.
Dans son cas, certaines amitiés ne lui apportaient plus rien : les centres d’intérêts et les habitudes sont devenus trop différents. « Je me suis beaucoup, voire totalement éloigné d’amis qui passent leur temps à sortir, car pour moi c’est bien de temps en temps, mais je trouve ça absurde de le faire constamment », raconte-t-il. « Je deviens adulte et je construis ma vie, mon futur et je n’ai pas envie de stagner avec eux. »
Grégoire a alors choisi de refuser les propositions de sorties, de se faire plus rares sur les conversations ou en personne, et s’est moins investi dans ces relations « plutôt que d’aller au conflit et critiquer leur manière de vivre et de voir la vie, je les laisse profiter de ça ».
Lorsque l’amitié n’est plus équilibrée
Si les violons ne parviennent plus à s’accorder dans certaines relations amicales, d’autres pâtissent d’un déséquilibre. Julie* a depuis longtemps l’impression d’avoir donné plus d’elle que son amie le faisait en retour, « même si dans l’idée on ne donne pas pour recevoir », nuance-t-elle.
Elle prend en exemple l’anniversaire de cette camarade de longue date organisé par ses soins avec notamment un repas auquel ont participé ses proches. Peu expressive, celle-ci n’a pas vraiment manifesté son enthousiasme. Plus tard, « on lui a organisé son cadeau qui était une journée à plusieurs au spa, et elle a annulé le jour J, au dernier moment, pour une excuse bidon », lâche Julie, qui ajoute avoir été aussi la cible de reproches de faits dont elle n’était pas responsable.
« Ça a dépassé les bornes quand elle est revenue la bouche en cœur sans évoquer ce qu’il s’était passé », continue-t-elle. « Je passe mon temps à donner de moi-même, notamment lorsque je dis quand ça ne va pas. À l’inverse, lorsque je lui pose la question, tout va toujours bien alors que ce n’est pas vrai. »
Résultat : Julie n’arrive plus à s’investir correctement « et ça me fait de la peine, car c’est une amitié que j’ai depuis très longtemps, qui fait partie des liens indestructibles, et je ne me vois pas du tout ne plus lui parler ».
De la difficulté de reconnaître qu’une amitié est finie
Car là est toute la complexité d’une relation amicale : l’affect prend une place considérable.
« C’est difficile d’admettre que nos liens sont différents avec la personne qu’on a appréciée et aimée, qu’on a moins besoin d’elle, surtout que la plupart du temps ce n’est pas qu’on ne veut plus être en contact avec l’autre », analyse Aline Nativel Id Hammou.
Julie a choisi d’en rester « au minimum syndical » et ne fait aujourd’hui plus appel à cette amie pour aller boire un verre ou simplement se confier. « Je me dis que je serai toujours là pour elle si elle en a besoin, mais, c’est un peu horrible, je n’ai en retour plus envie qu’elle soit là pour moi« , confie-t-elle.
Bien que prendre de la distance peut être douloureux, cette démarche est aussi le signe que l’on s’écoute et qu’une prise de conscience a été faite sur la relation. Mais pourquoi est-ce si difficile de formuler la rupture ?
Pour la psychologue-clinicienne, « on a souvent peur que cette transparence de communication puisse rompre le lien, donc on le préserve consciemment en ne disant rien ou en posant des actes pour que l’autre comprenne », résume-t-elle.
La difficulté réside aussi dans l’imprévisibilité des réactions de la personne en face. La peur qu’elle se braque, qu’elle coupe le lien ou de recevoir le mauvais rôle prend alors beaucoup de place.
Prendre ses distances, oui, mais avec bienveillance
La démarche peut être aussi un moyen de partir en douceur, sans provoquer le chaos.
Grégoire est d’ailleurs très en phase avec cette méthode. « Je trouve que cela évite le conflit, chacun est libre de savoir ce qu’il veut et ça me permet de ne garder que de bons souvenir avec eux sans me dire que ce ne sont plus mes amis, et je pense qu’ils gardent de bons souvenirs de moi aussi », affirme-t-il.
S’éloigner progressivement rendrait alors la rupture moins difficile à accepter, et cela peut aussi être un moyen d’observer si la personne évolue ou non. Le plus important ici étant de le faire avec bienveillance. « Je dirais qu’il faut libérer la parole : avoir une once de respect pour ce qu’on ressent et pour l’autre« , détaille Aline Nativel Id Hammou, qui prône la transparence émotionnelle et ainsi l’écoute de soi.
L’experte interroge : si quelque-chose dysfonctionne dans la relation, à quel point est-ce douloureux pour qu’on ait envie de se détacher de ça ? Elle insiste toutefois encore sur la bienveillance et favorise la prise de distance, bien moins dévastatrice que le ghosting et qui sollicite davantage l’empathie et la gentillesse.
Aujourd’hui, Julie écrit ponctuellement à cette amie qui n’en n’est plus vraiment une. Celle-ci est d’ailleurs le plus souvent la personne qui lance la conversation pour proposer une sortie. Mais force est de constater qu’elle a passé un cap dans cette relation. « Je n’arrive pas à faire semblant, je crois qu’il y a un point de non-retour qui a été dépassé« , affirme-t-elle.
Elle ajoute tout de même, comme une preuve involontaire que renoncer à une amitié est difficilement balayée d’une traite : « En tout cas pour l’instant ».
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