03/28/2023

La saisonnalité de la mode veut qu’alors que les fêtes de fin d’année pointent à l’horizon, les marques commencent à diffuser les campagnes de leurs collections estivales.

Si, habituellement, c’est l’occasion de savoir qu’elles sont les mannequins et célébrités qui ont la cote, cette année la conversation prend une autre tournure.

La raison ? Deux campagnes de la maison Balenciaga font depuis plusieurs jours l’objet de vives critiques qui accusent la marque de sexualiser des enfants. 

Campagne printemps-été 2023 Balenciaga : ours en peluche, harnais et enfants pour mannequins

Il faut remonter à la date du 16 novembre 2022 pour comprendre l’ampleur de cette polémique qui n’en finit plus.

Ce jour-là, la marque dévoile sur ces réseaux sociaux le résultat de sa campagne accessoire pour le printemps-été 2023, immortalisée par le photographe Gabriele Galimberti, qui comprend bijoux et autres objets premium.

Ce qui met le feu aux poudres ? Les mannequins, qui sont en réalité des enfants entourés d’objets pointés du doigt comme faisant référence à la contre-culture BDSM (Bondage, Sado-Masochiste). Sont notamment visés des ours en peluche équipés de harnais en cuir et colliers cadenas.

De nombreux internautes en appellent alors directement à la marque qui se voit rapidement accusée de pédo-pornographie et de sexualisation infantile.

La marque n’a pas tardé à présenter des excuses, arguant en story de son compte Instagram -story  aujourd’hui supprimée – : « Nos sacs en peluche n’auraient pas dû être présentés avec des enfants dans cette campagne. Nous avons immédiatement supprimé la campagne de toutes les plateformes ».

De son côté, le photographe, lui aussi interpellé sur les réseaux sociaux, a déclaré à CNN : « Je ne suis pas en mesure de commenter [sur] les choix de Balenciaga, mais je dois souligner que je n’avais en aucune manière le droit de choisir (sic) les produits, ni les modèles, ni la combinaison de ceux-ci. En tant que photographe, on m’a uniquement et uniquement demandé d’éclairer (sic) la scène donnée, et de prendre les clichés selon mon style de signature ».

https://www.instagram.com/p/ClXnTHSjrOm/

Il ajoute : « Je soupçonne que toute personne sujette à la pédophilie recherche sur le Web a malheureusement un accès trop facile à des images complètement différentes des miennes, absolument explicites dans leur contenu affreux. Les lynchages comme ceux-ci sont dirigés contre de mauvaises cibles et détournent l’attention du vrai problème, et des criminels. » 

Une prise de parole que beaucoup critiquent immédiatement, la qualifiant de déresponsabilisante.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Elle prend une tournure nouvelle lorsque certains internautes relèvent un document peu commun qui apparaît dans la campagne Balenciaga prêt-à-porter printemps-été 2023, diffusée début novembre, à laquelle ont entre autres participé Bella Hadid et Nicole Kidman, qui fait notamment la promotion de la collaboration entre le label de luxe, dont la direction artistique est assurée par Demna Gvasalia, et Adidas.

Ce document, c’est une page d’une décision de la Cour Suprême – la plus haute autorité judiciaire aux États-Unis – qui confirme une loi fédérale qui interdit la diffusion de contenu pédopornographique. La polémique enfle, certains y voyant une forme de pied-de-nez malveillant à la protection de l’enfance.

« Nous nous excusons d’avoir affiché des documents troublants dans notre campagne. Nous prenons cette affaire très au sérieux et engageons une action en justice contre les parties responsables de la création de l’ensemble et de l’inclusion d’éléments non approuvés pour notre séance photo de la campagne du printemps 23 », déclare alors Balenciaga, « Nous condamnons fermement la maltraitance des enfants sous toutes ses formes. Nous défendons la sécurité et le bien-être des enfants « .

Balenciaga contre-attaque et engage un procès

Dans la foulée, Balenciaga a décidé d’intenter une action en justice contre North Six, Inc et son agent Nicholas Des Jardins qui a conçu le design des campagnes incriminées.

Selon la marque, ils sont coupables d’actes et omissions inexplicables » qu’on peut considérer comme « malveillants ou, à tout le moins, extraordinairement irréfléchis » comme l’a reporté Julie Zerbo sur son site The Fashion Law.

La marque entend ainsi « demander réparation pour les dommages importants [qu’ils] ont causés dans le cadre d’une campagne publicitaire que Balenciaga les a engagés à produire » et allègue que « des membres du public, y compris les médias d’information, ont faussement et horriblement associé Balenciaga au sujet répugnant et profondément troublant de la décision de justice (anti pédopornographie, ndlr) ».

Selon la maison de mode, les accusés sont donc responsables envers Balenciaga de « tout préjudice résultant de cette fausse association ». Les dommages et intérêts sont ainsi estimés à une hauteur minimum de 25 millions de dollars ».

Mode et complotisme : l’underground peut-il devenir mainstream ?

« J’ai été silencieuse ces derniers jours, non pas parce que je n’ai pas été dégoûtée et indignée par les récentes campagnes Balenciaga, mais parce que je voulais avoir l’occasion de parler à leur équipe pour comprendre par moi-même comment cela a pu arriver. En tant que mère de quatre enfants, j’ai été secouée par les images dérangeantes. La sécurité des enfants doit être tenue avec la plus haute considération et toute tentative de normaliser la maltraitance des enfants de quelque nature que ce soit ne devrait pas avoir sa place dans notre société – point final », écrit ce lundi 28 novembre 2022 Kim Kardashian sur son compte Twitter.

Si l’entrepreneure et star de la TV réalité réagit, c’est parce qu’elle ambassadrice de la marque dont elle s’est beaucoup rapprochée ces dernières années, notamment par le biais de son ex-mari le rappeur Kanye West.

Elle poursuit : « J’apprécie la suppression des campagnes et des excuses de Balenciaga. En parlant avec eux, je crois qu’ils comprennent la gravité du problème et prendront les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise plus jamais ».

Avant de conclure : « Quant à mon avenir avec Balenciaga, je réévalue actuellement ma relation avec la marque, en la basant sur leur volonté d’accepter la responsabilité de quelque chose qui n’aurait jamais dû arriver au départ – et les actions que je m’attends à les voir prendre pour protéger enfants ».

Une déclaration qui a immédiatement relancé le débat très virulent qui a en ce moment-même lieu sur les réseaux sociaux, en France comme aux États-Unis et dans le reste du monde.

Et parce que les réseaux sociaux sont ce qu’ils sont, et que le besoin de réponses semble fort pour beaucoup, nombreux sont les complotistes à se saisir de l’affaire.

Aux États-Unis notamment, pays très marqué par la religion, certains n’hésitent pas à parler de satanisme et viennent même jeter avec l’eau du bain le travail de Lotta Volkova ancienne styliste de Vetements, qui a longtemps fait parti des proches de Demna Gvasalia.

Alors qu’elle n’a jamais collaboré à aucune une campagne Balenciaga, la styliste s’est vue associée à la polémique via la diffusion à grande échelle de plusieurs images tirées de son compte Instagram.

Si certaines apparaissent pour beaucoup « dérangeantes », parce qu’elles s’éloignent de ce qui est habituellement vu et peuvent échapper à une vision moralisatrice de l’art, d’autres sont de simples photos où elle apparait lors d’un défilé ou encore portant un t-shirt sur lequel est inscrit « Cannibal Corpse ».

Loin d’être des preuves quelconques de « satanisme » au sein de l’industrie, ces images interrogent surtout sur la manière dont le luxe entend capitaliser sur les contre-cultures auxquelles font référence, dans leur travail, certains acteurs du milieu, dont Volkova ou encore Demna Gvasalia.

Se pose alors une question : les images et références underground peuvent-elles convenir à une maison de luxe qui entend attirer un public mainstream et bénéficier de l’économie de l’attention ? À l’ère des réseaux sociaux et de la possibilité pour le grand public de pouvoir directement s’adresser aux marques, institutions et personnalités publiques, rien ne parait moins sûr.

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